La grève, mode d’emploi...dans le secteur Privé sanitaire, social ou médico-social

Privé sanitaire, social, ou médico-social

La grève, mode d’emploi...

Tout comme dans le secteur public, la grève dans le secteur privé est un outil, au service de l’action revendicative, à manipuler avec précaution.

Le droit de grève, même s’il est ici moins limité que dans la Fonction publique, doit tout de même n’être utilisé qu’après analyse approfondie du bien-fondé de sa mise en action.

En effet, il faut bien comprendre que, dans le secteur sanitaire, social ou médico-social, chaque fois que la grève est enclenchée, se mettent en oeuvre des mécanismes de conscience professionnelle dus à l’arrêt de la prise en charge des usagers, mais aussi de doute quant à un type d’action qui peut parfois apporter plus d’argent aux employeurs, qu’il n’a d’intérêt pour les salariés.

Revendications professionnelles

La section syndicale doit tout d’abord s’assurer de la licéité de la grève. Pour être licite, celle-ci doit consister en un arrêt de travail collectif ayant des objectifs de revendication professionnelle.

Pas question donc d’appeler à la grève pour d’autres motifs ou sous d’autres formes.

En ce qui concerne l’exercice de ce droit et ses limites dans notre secteur, les règles sont beaucoup moins précises que dans le Public. En effet, la Constitution de 1958, en renvoyant au préambule de celle de 1946, a réaffirmé que le droit de grève s’appliquait dans le cadre des lois qui le règlementent et le seul texte de loi réglementant le droit de grève dans le secteur privé

C'est l’

article L 521-1 du Code du travail qui prévoit la protection du salarié lors de l’exercice de ce droit. Le secteur participant au service public hospitalier est quant à lui soumis aux règles posées par les articles L 521-2 à L521-6 du même Code du travail.

Plusieurs circulaires, en 1982 pour le secteur social et médico-social et en 1989 pour les établissements de soin privés, sont venues rappeler ces règles. Pour le reste, c’est la jurisprudence de la Cour de cassation qui a esquissé les contours de ce droit.

Un préavis ou non ?

Le préavis avant le déclenchement de la grève, est obligatoire pour les établissements PSPH*,

l’article L 521-3 imposant un préavis de cinq jours francs (date de réception par la direction).

Pour les autres établissements, aucune obligation de dépôt de préavis n’existe et seul le bon sens peut amener à en déposer un.

Bien sûr, l’effet de surprise ou de colère lors d’une décision arbitraire d’un employeur peut parfois justifier une grève immédiate et celle-ci est tout à fait légale. Dans les autres cas, il peut être judicieux de prévenir l’employeur, d’une part pour permettre à une éventuelle négociation de régler le problème avant de mettre dans la balance les rémunérations des salariés et, d’autre part, pour communiquer avec les salariés afin de les mobiliser au maximum.

S’agissant du service minimum, là aussi une différence existe entre le secteur PSPH, qui est tenu à la continuité du service et pour lequel la loi de 2003 sur la sécurité intérieure a ouvert au préfet la possibilité de réquisition en cas d’atteinte à l’ordre public, et les autres établissements.

En effet, aucune obligation de service minimum n’existe et, en aucun cas, il ne peut être mis en place de manière unilatérale par l’’employeur. Cela constituerait une limitation du droit de grève. Éventuellement, la seule possibilité pour lui serait de demander l’intervention du préfet au titre de

l’article L 2215-1 du Code général des collectivités territoriales.

Mais, là encore, le bon sens doit être de mise, tant au niveau de la prise en charge des usagers que pour le risque de mise en difficulté des salariés. Plutôt que de se retrouver en justice pour demander l’annulation de sanctions pour fait de grève, peut-être vaut-il mieux se mettre dans une situation où l’organisation syndicale puisse attaquer l’employeur pour atteinte au droit de grève par la mise en place d’un service de sécurité d’importance excessive (

Cassation du 1/07/85).

Il semble aussi préférable de ne pas laisser un salarié risquer d’être poursuivi par un employeur au titre

des articles 121-3, 223-1 du Code pénal (mise en danger d’autrui).

Conformément à ce que préconisait la désormais très vieille

circulaire 82/3 du 15 février 1982, mieux vaut-il donc négocier l’organisation du service pendant la grève, en prévoyant par exemple, lorsque cela est possible, le travail des non grévistes, le départ des usagers qui peuvent être pris en charge d’une autre manière...

C’est bien en observant toutes ces précautions que la grève sera la plus efficace puisque, mieux comprise, elle sera d’autant plus suivie par les salariés et montrera ainsi à l’employeur la force de l’action syndicale.

Dans le prochain article, nous nous attacherons aux effets de la grève sur le contrat de travail, ainsi qu’aux modes de sortie de grève.

Emmanuel Evieux

santé-sociaux CFDT • Multiple n° 110 • juillet-août 2007 page 17